Parent : le seul job où tu n’as pas le droit d’apprendre en marchant
Ou pourquoi on accepterait de rater sa prise de poste… mais pas son entrée en parentalité.
L’autre jour, je lisais un livre sur les transitions professionnelles (“Pour quoi je suis fait ?” d’Isabelle Constant, super livre au passage), et bim : une phrase m’a fait lever les yeux.
Ça parlait de prise de poste.
Du temps qu’on met à s’installer dans un nouveau rôle.
De la nécessité d’observer, de tâtonner, de se former, de faire des erreurs, d’apprendre des autres.
Et là, entre deux pages sur les étapes d’intégration professionnelle… je pense à mes enfants.
(Oui. Voilà comment fonctionne mon cerveau.)
Et si devenir parent, c’était comme prendre un nouveau poste ?
Un poste exigeant.
Non rémunéré.
À durée indéterminée.
Sans fiche de mission claire.
Avec des horaires variables, des urgences émotionnelles, et aucun droit à la pause pipi.
Un poste qu’on prend sans avoir vu le brief.
Et pour lequel, malgré cela, on s’attend à ce qu’on soit bon·ne tout de suite.
Nouveau poste : tolérance, phase d’intégration, feedback.
Parentalité : zéro droit à l’erreur.
En entreprise, on accepte que :
le premier mois, ce soit flou.
on ait besoin d’un binôme.
on se plante, puis on corrige.
il y ait des réunions de cadrage.
on demande de l’aide.
En parentalité, on accepte que… tu saches tout.
Tout de suite.
Instinctivement.
“Tu verras, c’est naturel.”
“L’instinct maternel va te guider.”
“C’est ton enfant, tu sauras.”
Spoiler : parfois, non.
Parfois on ne sait pas.
Et ce n’est pas parce qu’on ne sait pas… qu’on est nul·le.
Être parent, c’est un job. Mais sans onboarding.
Imaginez qu’on dise à un manager fraîchement nommé :
“Bon, tu gères une équipe de profils imprévisibles, parfois en crise, parfois câlins, souvent bruyants. Tu n’as pas de formation, pas de support RH, et tous tes résultats seront jugés publiquement au parc, chez la nounou, à la sortie de l’école et sur les réseaux sociaux. Bonne chance.”
C’est ça, être parent.
Sauf qu’en plus, le “tableau de bord” qu’on croit devoir remplir n’est pas à nous :
la réussite scolaire de nos enfants,
leur comportement en public,
leur politesse, leur sommeil, leur régime alimentaire,
le nombre d’activités qu’ils font entre deux mercredis après-midi.
Et si l’un d’eux hurle au supermarché ?
Ah, rétrogradation immédiate dans le classement des parents “qui gèrent”.
Mais au fait… qui a dit qu’on devait tout savoir ?
On ne demanderait jamais à un cadre débutant d’exceller dès le premier jour.
Ni à un médecin interne de tout connaître.
Ni à un prof stagiaire de gérer 28 élèves comme un vétéran de l’Éducation nationale.
Mais à une mère qui vient d’accoucher, on demande :
de savoir nourrir, consoler, endormir,
de comprendre les pleurs,
de gérer les hormones, la charge mentale, la logistique, les nuits,
de rester douce, joyeuse et “présente” à tout moment.
Et en prime, de ne pas se plaindre.
Être parent, c’est une relation. Pas une mission en solo.
Ce qu’on oublie souvent, c’est que :
On n’élève pas un enfant tout seul.
On n’élève pas contre lui.
Et surtout… on élève une personne, pas un projet.
On est deux dans la relation :
un adulte qui ne sait pas tout,
et un enfant qui apprend à être au monde.
C’est une danse. Pas une démonstration. Jamais une démonstration.
Alors si on osait dire : “J’apprends” ?
👉 Et si on s’accordait, en tant que parent, ce qu’on accorde à tous les autres postes du monde : le droit à l’apprentissage ?
👉 Le droit à la supervision, au coaching, à la formation continue ?
👉 Le droit à l’erreur ?
👉 Le droit à ne pas savoir, et à le dire sans honte ?
Et si, enfin, on arrêtait de croire que tout ce qui ne “roule pas” immédiatement est le signe d’un échec parental ?
Peut-être que ce n’est pas un échec.
Peut-être que c’est juste… normal.
📌 En résumé ?
🎯 Être parent, ce n’est pas être parfait.
C’est apprendre une nouvelle relation, avec des êtres imprévisibles, sensibles, et incroyablement vivants.
🎯 Comme pour tout poste complexe, on progresse en marchant.
Et ça ne fait pas de nous de mauvais parents.
Ça fait de nous… des parents humains.
💬 Et vous, si vous lisiez cette situation comme un poste que vous venez de prendre ?
Vous diriez quoi de vos premiers mois ?
De vos besoins ?
De votre droit à apprendre, à tâtonner, à être accompagné·e ?
Parce que c’est ça aussi, le vrai leadership parental :
ne pas faire semblant de tout savoir.
Mais marcher aux côtés de l’autre, même sans plan parfait.