La sixième comme un seuil : Perséphone, Déméter et l’art de laisser passer la lumière

Édition Spéciale Les dieux font aussi leur rentrée …

Accompagner son enfant pour l’entrée en 6e – illustration Perséphone et Déméter

🚪 La veille : franchir le seuil

La veille de la rentrée, on a fait la marche d’essai jusqu’au collège. Juste pour planifier, chronométrer… et sentir si le chemin tenait tout seul.
Le trottoir sentait la fin d’été : crème solaire oubliée au fond du sac, poussière tiède, cahiers neufs encore raides, agenda vierge.

Mon enfant faisait courir ses doigts sur la lanière du cartable comme on apprivoise une corde avant la traversée.
Moi, je comptais les “au cas où” : au cas où il se perd, au cas où la carte ne passe pas, au cas où la salle change… Tous ces “et si” qui font du bruit.

Sur le banc d’en face, une vieille connaissance a voulu prendre la main : Déméter, tout border, tout prévoir, tout porter.
Et puis une autre voix, plus basse, a levé la tête : Perséphone.

Pas la déesse en toge — une ado en hoodie clair, écouteurs autour du cou, ce regard qui sait qu’on peut descendre un peu sans se perdre.
Elle a souri à mon enfant, puis à moi, comme on soulève une barrière invisible.
— « On entre, on ressort, on revient un peu différent. »
— « On peut apprendre ça, ensemble. »

Le portail a cliqueté. De l’autre côté, le monde avait des dimensions de cathédrale : couloirs géants, annonces qui résonnent, profs encore silhouettes.
Le seuil n’était pas un film d’action : c’était un changement de lumière.

🎓 Réguler la distance

Le lendemain, même décor. Autre lumière.
Mon enfant m’a regardée, yeux de phare sur mer agitée.
Je me suis avancée d’un pas, puis je me suis arrêtée : présente, pas collée.
Il est entré. Je suis restée.

Il y a des compétences qu’on apprend en les exerçant ; celle-ci s’appelle réguler la distance.

Au retour, la maison avait gardé la fraîcheur du matin. On s’est assis à la table avec un gâteau un peu bancal.
Pas d’interrogatoire. Une seule question, claire :
— « Tu as trouvé un repère, aujourd’hui ? »
Sourire.
— « La prof d’anglais a un rire de clochette. »
Noté en moi : clochette = repère. Une petite torche à rallumer au besoin.

📝 L’outil des trois colonnes

Plus tard, j’ai sorti une feuille A4 — tache de confiture dans l’angle gauche, héritage du goûter.
Trois colonnes au crayon : Je gère — J’essaie, tu restes pas loin — Pour l’instant, c’est toi.

On a posé des choses “dans ma colonne” (fermer la grille : je gère), d’autres “dans la tienne” (choisir la tenue de sport : j’essaie, tu restes pas loin), et quelques items “dans la colonne parent” (appeler la vie scolaire si la carte refuse de biper : pour l’instant, c’est toi).

On a fait ça ensemble : Perséphone sait ce qu’elle peut, ce qu’elle explore, et où un coup de pouce l’aide à passer.
On a daté en haut. Dans trois semaines, on réajustera. Pas un contrat ; un accord de saison.

📆 Ajuster au fil des jours

Les jours suivants ont fait une petite série :

  • Épisode 1 : se perdre au 2e étage, se retrouver grâce à la dame au gilet rouge (on lui doit des chocolats).

  • Épisode 2 : découvrir que le CDI a une lumière douce à 16 h (et que la documentaliste connaît les prénoms).

  • Épisode 3 : rater son bus, puis survivre — un téléphone, une marche rapide, la sensation d’être grand.

Un soir, la voix s’est brisée au milieu d’une phrase : ce mélange de fatigue et de trop-plein que la 6e et l’adolescence fabriquent à la chaîne.
On a regardé notre feuille aux trois colonnes, tenue sur le frigo par un aimant en forme de chat tordu.
— « Aujourd’hui, on déplace quoi ? »
— « Le trajet du soir. Pour l’instant, c’est toi. »

Perséphone a encore besoin de Déméter. Le fil n’est pas coupé.

🌡️ L’échelle météo

Au bout de trois semaines, on s’est rassis.
On a gardé la date, ajouté la suivante, déplacé trois items, rayé deux peurs sans jus.

Au coin de la feuille, j’ai dessiné une petite échelle 0 → 5 :

  • 0 = tout va,

  • 5 = alerte.

— « Aujourd’hui je suis à 4. »
— « Ok, on allège. »
— « Là je suis à 5. »
— « Ok, on demande de l’aide (CPE, prof principal, adulte sûr). »

Ce n’était pas une évaluation, c’était un thermomètre.
👉 On ajuste la veste à la météo, pas l’inverse.

🌱 Grandir, c’est apprendre le va-et-vient

Parfois, sur le chemin du soir, Ariane repasse — perfecto, lunettes, tatouages. On se fait un signe de tête.
D’autres jours, Hermès attrape un mail qui clignote trop fort.
Hestia réclame de la lumière douce à la cuisine.

Et il y a ces matins où Déméter, la nourricière en moi voudrait encore tout border.
Je la remercie, puis je lui montre la colonne du milieu : on essaie, je reste pas loin.

À ma grande surprise, elle acquiesce.

💡 Grandir, ce n’est pas muscler la performance ; c’est apprendre le va-et-vient.

🛠️ Micro-action pour ce soir

🎯 Prenez une feuille A4 et tracez trois colonnes :
“Je gère / J’essaie, tu restes pas loin / Pour l’instant, c’est toi.”
Faites l’exercice avec votre enfant.
Vous verrez vite qu’une simple feuille peut transformer vos soirées et alléger les tensions.

👉 Et pour la suite…

📌 Dans le prochain épisode : Dédale & Icare s’invitent à la table des devoirs (avec un minuteur qui a plus d’autorité que nous).

👉 Envie de voir quels autres dieux se cachent dans nos vies familiales ?
Retrouvez tous les épisodes de la série Mytho-parentalité ici.


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